GrandAlpe : Marbre d'ici valorise les déchets de chantiers

Par Julie Fontana

publié le 29 mars 2023

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Urbanisme

© Alain Fischer

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Stefan Shankland est artiste plasticien, maître de conférence et chercheur en études urbaines. Un de ses centres d'intérêt : les espaces urbains en transformation. En 2010, il met en œuvre le projet Marbre d'ici pour transformer les déchets de chantiers en œuvres d'art ou en mobiliers urbains. Un processus de création qui nourrit les thématiques du recyclage des déchets, de l'environnement urbain et de l'art dans l'espace public. Marbre d'ici s'intègre sur le territoire du projet GrandAlpe.

La Métropole grenobloise vous sollicite pour intervenir avec le projet Marbre d'ici sur le site du projet GrandAlpe. Quel est votre rôle ?

Le Marbre d'ici est un béton recyclé de site. On récupère les gravats d'une situation pour les transformer en un nouveau béton et lui trouver une destination sur le site même où il a été récupéré.

Sur GrandAlpe, on s'est engagé pour les quatre années à venir à récupérer 100 tonnes de gravats et créer, avec cette matière, un ensemble d'éléments à réintégrer dans le projet GrandAlpe.

Nous pourrons créer deux catégories d'objets : une œuvre d'art ou un objet fonctionnel tel que le mobilier urbain ou des éléments de sol.

Comment se passe ce processus ?

Là, on commence. On est en train de voir comment 100 tonnes de gravats deviendront 100 tonnes de Marbre d'ici. Il s'agit de les trier et les concasser pour obtenir des poudres et des pigments de différentes couleurs, qu'on mélangera ensuite avec un liant hydraulique.

Aujourd'hui, on travaille avec deux groupes différents pour faire des prototypes : des étudiants du master Design urbain qui travaillent sur la future placette de la centrale des arts en s'inspirant du projet Marbre d'ici, et les écoliers de CM2 de l'école Jean-Paul Marat qui vont réaliser un élément en Marbre d'ici dans leur cour de récréation en juin prochain.

On a des éprouvettes en carton qui font office de coffrage et on va couler la matière triée et concassée dedans.

Alain Fischer
Rencontre avec l'artiste le 17 mars dernier, lors d'un atelier in situ, sur le chantier artistique au rez-de-chaussée de la tours E des bâtiments Prémalliance.

Avez-vous déjà une idée des éléments qui vont être réalisés ?

C'est ça qui est intéressant sur GrandAlpe : on a acté le principe de 100 tonnes, mais on a laissé des hypothèses quant à leurs formes et leur emplacement. Ça fait justement partie de la démarche.

Faire des projets qui nous remettent un coup d'éclairage sur la complexité et la richesse de ce qui nous entoure, particulièrement ici, cela me passionne.

Il est toutefois est prévu que 200m2 d'espaces publics soient réalisés pour le printemps 2024 devant la piscine des Dauphins à partir des gravats issus de la destruction de l'auto-pont. Cela va mobiliser 20 tonnes de gravats.

Qu'est-ce qu'on trouve dans ces gravats du site du projet Grandalpe ?

Là, on est sur un chantier avec le tas de gravats de l'auto-pont qui a été détruit. On voit des éléments de briques en rouge qui viennent de la réhabilitation d'une partie du bâtiment Prémalliance. Les éléments de gris-beige, ce sont des carrelages.

Il y a bien sûr du béton dans lequel on voit des petits galets de rivières, typiques du béton grenoblois. Pour un gestionnaire de chantier de démolition, c'est du gravat inerte.

Pour nous, le fait de les trier et les concasser nous donne une pigmentation rouge, grise, noire... et ça, on va le faire jouer dans la façon de couler le futur béton recyclé. L'objectif est de créer un objet qui sera dans la cour de l'école Jean-Paul Marat.

Quels sont les enjeux du projet ?

Certains sont évidents comme l'économie circulaire avec la réutilisation des gravats et une réflexion sur la matière première, les gisements et leur épuisement... Il y a aussi un enjeu esthétique autour de la question de l'art dans l'espace public.

Je suis artiste plasticien et tous les projets que je fais questionnent la place de l'art et de la culture dans la ville et dans la fabrication de la ville. C'est créer des projets qui révèlent la mutation ou la rendent intéressante.

Alain Fischer

Et puis, il y a des enjeux sociaux. On se rend compte qu'on travaille avec l'ensemble des acteurs de la transformation urbaine, c'est une forme de lien social.

On s'est rendu compte aussi que les citoyens et les usagers sont souvent mis à l'extérieur du processus de transformation urbaine. Un projet comme ça permet de créer un intérêt, une compréhension, des visites de sites, une forme de participation très concrète au processus...

Quel est selon vous la particularité du secteur GrandAlpe ?

C'est une évidence : il est en pleine transformation. Cette question du patrimoine ordinaire et insoupçonné m'intéresse beaucoup en tant qu'artiste. L'époque moderne nous livre un ensemble de bâtiments qui ont été décriés. On a oublié leur qualité architecturale, peut-être des qualités de vie spatiales...

En tout cas, ils sont fait avec des matériaux pour lesquels on a tendance à dire que c'est du déchet alors que non, ce n'est pas que du déchet ! C'est aussi l'histoire naturelle, des galets de rivière de glacier, la sédimentation de millions d'années de petit animaux enfermés à l'intérieur... C'est du patrimoine naturel et construit.

Faire des projets qui nous remettent un coup d'éclairage sur la complexité et la richesse de ce qui nous entoure, particulièrement ici, cela me passionne.

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