Eric Piolle : «Faire plus, tout de suite, face au changement climatique et débloquer des moyens pour les moins aisé-es»

Par La Rédaction

publié le 2 mai 2023

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Environnement

© Sylvain Frappat

À l'occasion de la Biennale des Villes en transition, Gre.mag s'est entretenu avec le maire de Grenoble, Éric Piolle, pour évoquer les sujets d'actualité et les caps à tenir pour notre ville.

La Biennale des Villes en transition se tiendra début juin, quelle particularité cette année ?

Nous avons proposé un événement festif et populaire intitulé «Rêvolutionnons demain». Il se déroulera sur 4 jours du 8 au 11 juin et intégrera la Fête des Tuiles le 10 et l'arrivée du Critérium du Dauphiné le 11. Pendant ces quatre jours, nous allons penser et échanger sur les transitions dans un esprit festif et ouvert à toutes et tous.

C'est cela la marque de fabrique grenobloise ?

Oui, ici, on fait les choses ensemble et collectivement. Ici, la culture et l'art rencontrent les enjeux de la transition écologique. Ici, nous voulons garder un esprit positif. Festif. La cohésion de nos sociétés par l'émancipation et la justice sera la clé de notre avenir commun.

Notre Fête des Tuiles sera un rassemblement familial, artistique et populaire sur les cours Jean-Jaurès et Libération, et se prolongera cette année jusqu'au parc Pompidou.

Si les ultra-riches s'adonnent au séparatisme, si celles et ceux qui sont aisé-es protègent coûte que coûte leurs positions, si les moins aisé-es n'ont pas les moyens de vivre dignement dans un environnement sain, si nous vivons séparé-es, alors relever le défi du climat sera juste impossible. Cette année encore, notre Fête des Tuiles sera un rassemblement familial, artistique et populaire sur les cours Jean-Jaurès et Libération, et se prolongera cette année jusqu'au parc Pompidou.

Nous invitons les habitant-es de tous les quartiers à y participer. La Fête des Tuiles célèbre un soulèvement qui fut le précurseur de la Révolution française qui a, rappelons-le, donné lieu à la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen et à cet article : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » - ce qui porte d'ailleurs une résonance particulière en ce mois où nous fêtons les dix ans du mariage pour toutes et tous.

Au-delà de ces temps fédérateurs, comment réussir ce pari collectif ?

L'enjeu est de travailler ensemble aux solutions bonnes aujourd'hui et bonnes pour demain. Une écologie des solutions pour toutes et tous. C'est par exemple l'objectif du projet de sécurité sociale de l'alimentation que nous travaillons cette année. Manger sain, pas cher, de saison.

La gratuité des musées pour les collections permanentes sera aussi bientôt mise en place après la gratuité des bibliothèques, afin que le patrimoine artistique d'exception présent dans notre musée soit totalement libre d'accès pour toutes et tous. C'est un autre exemple de ce Grenoble collectif que nous voulons travailler.

Alain Fischer
La hausse d'impôt a-t-elle été décidée pour cela ?

Face à l'inflation et à la crise énergétique, nous avions trois options lorsque nous avons construit le budget. Soit réduire considérablement la présence du service public et réduire nos investissements pour l'avenir de nos enfants.

Soit augmenter les impôts de 15 ou 17 % pour faire face à la hausse des dépenses et continuer de faire comme avant. Soit aller sur une contribution des propriétaires plus conséquente, autour de 25 %, pour réellement faire plus tout de suite pour endiguer les conséquences du changement climatique, dramatiques pour les populations les plus vulnérables, et pour débloquer des moyens prioritairement pour les moins aisé-es. C'est ce dernier chemin que nous avons choisi.

Il s'agit à la fois de notre contribution pour le défi planétaire mais aussi de notre exposition à ses conséquences locales, sur nos vies ici.

C'est une décision importante mais faite de manière totalement assumée car nous sommes, au sein de la majorité, absolument convaincus que nous devons amplifier notre action. Les rapports des expert-es internationaux nous le démontrent régulièrement : les décisions en matière de transition écologique ne sont pas encore assez ambitieuses. Le dérèglement climatique n'attend pas.

Attendre coûte cher, humainement et financièrement. Nous devons donc accélérer. Que ce soit pour la rénovation et la meilleure isolation des immeubles, les arbres plantés, les aides sociales, l'accompagnement de la jeunesse, etc. Il s'agit à la fois de notre contribution pour le défi planétaire mais aussi de notre exposition à ses conséquences locales, sur nos vies ici.

Quels sont les effets à court terme pour les Grenoblois-es ?

Cette hausse d'impôts va permettre de sécuriser le changement et de le rendre accessible notamment aux moins aisé-es. Payer moins cher à la cantine pour manger du bio et du local, payer moins cher les transports propres, payer moins cher l'eau, être accompagné-e pour réduire sa précarité énergétique, bénéficier d'une gratuité pour changer son vieux poêle à bois, mais aussi pouvoir accéder aux richesses artistiques et scientifiques de notre ville gratuitement. Toutes ces mesures seront mises sur pied dans les prochains mois.

Quelles marges de manœuvre reste-t-il pour financer les investissements ?

Une grande partie du patrimoine immobilier de Grenoble est vieillissante. Construit dans les années 1960 et 70, il se compose encore de beaucoup de passoires thermiques et d'espaces publics pensés à l'heure du tout-bagnole. Du béton et du bitume.

Nous augmentons notre budget d'investissement de 20 % pour adapter cet environnement à la nouvelle donne qui est la nôtre. Pour redonner de la place à la nature. Avec du bois pour nos immeubles. De la terre et des arbres pour nos espaces publics et nos cours d'écoles. En investissant, en premier lieu, dans les quartiers où les moins aisé-es habitent.

Justement le principal quartier populaire, celui de La Villeneuve, est en cours de transformation depuis plusieurs années. Combien de temps encore les travaux vont-ils durer ?

Les projets de rénovation urbaine sont souvent longs car les investissements sont massifs. En effet, nous rénovons tout ou presque : les équipements, les espaces publics, les logements. Mais nous avons pris le parti d'éviter les démolitions, et de préserver le vivre-ensemble et l'identité incroyable de ces quartiers. À La Villeneuve, le chantier du siècle va s'accélérer.

Alain Fischer

Nous avons obtenu des crédits supplémentaires de l'Anru pour rénover plus de logements, Le Patio, le gymnase de La Rampe, l'ex-piscine Iris viendront s'ajouter aux projets déjà décidés auparavant comme le lac où la baignade sera enfin sécurisée, comme l'agrandissement du parc Jean-Verlhac, sans doute le plus beau de Grenoble, ou encore la construction d'un équipement polyvalent pour le quartier.

Sur le logement, L'Arlequin continuera d'être rénové. Pour réduire de moitié les charges des ménages. Ce chantier du siècle s'accompagne nécessairement de la prise en compte des enjeux climatiques et environnementaux. À cet égard, le projet du lac baignable de La Villeneuve a commencé, afin d'assurer à chacun et chacune un accès sécurisé à l'eau.

La nature en ville est une politique que nous portons depuis plusieurs années ; aujourd'hui c'est un droit à la nature en ville que nous assurons. La sécheresse et les pollutions de l'eau doivent nous apprendre à penser collectivement les usages et notre rapport à l'eau, bien commun.