Jean-François Caron : « Une vraie adhésion de la population aux transitions ! »
Par Annabel Brot
publié le 23 mai 2023

Loos-en-Gohelle est une commune de 7 000 habitants située dans le Pas-de-Calais. Rencontre avec Jean-François Caron, maire de la Ville de 2001 à 2023 et aujourd’hui conseiller municipal. Il revient pour nous sur les initiatives pionnières remarquables menées à Loos en matière de transition et qui ont produit des résultats significatifs dans de nombreux domaines.
Loos est un Territoire à Énergie Positive (TEPOS) et affiche l'ambition d'être 100% renouvelable en 2050. Comment atteindre cet objectif ?
Tout d'abord grâce à un plan d'augmentation massive de la production locale d'énergie. Depuis dix ans, on développe un Plan Solaire : un beau projet qui combine l'implication de la collectivité et des habitants pour créer ensemble un nouveau modèle ! Des panneaux solaires posés sur le toit de l'église produisent de l'énergie que la Ville revend 5 000 € par an. D'autres toitures publiques (école, salle de sport...) ont été équipées et 120 familles qui ont investi aux côtés de la commune bénéficient de leur rentabilité.
De plus depuis 1997, tous les projets d'habitat se font dans une logique d'éco-construction : le PLU affiche cette orientation pour les permis de construire, avec par exemple une exigence de qualité thermique et d'isolation ainsi que de récupération des eaux. C'est bien sûr systématique pour les projets de rénovation des logements sociaux. Conséquence : 10 % de la population ne paie plus de chauffage !
Loos porte beaucoup d'autres engagements en faveur de la transition...
Oui et notamment sur le plan historique et culturel, fondamental pour construire un nouveau modèle de valeurs. Ainsi, c'est à notre initiative que le bassin Nord-Pas-de-Calais est devenu en 2012 le premier bassin minier au monde inscrit au Patrimoine mondial de l'UNESCO, avec une fierté retrouvée pour les mineurs et une reconnaissance du passé nécessaire pour se projeter dans l'avenir.
Depuis huit ans, on initie aussi une bascule vers le bio en attribuant des terrains aux agriculteurs. Chaque année la superficie augmente : on est à 150 hectares et on devrait atteindre 300 l'an prochain. D'autres initiatives sont dédiées à l'environnement : politique zéro phyto, gestion différenciée des espaces verts, création d'une trame verte de 15 km et de sentiers de déplacement doux...
Tout cela fait système et a des conséquences multiples : alimentation, cadre de vie, dimension sociale en diminuant les coûts pour les ménages. Sans oublier la biodiversité puisqu'on observe le retour du hibou grand duc, du faucon pèlerin...
Comment se concrétise la participation citoyenne ?
On est dans une culture de la construction collective pour tous les projets ! Des réunions publiques d'information à la coproduction de documents d'urbanisme : charte du cadre de vie, PLU... L'énergie citoyenne et les initiatives individuelles ou collectives sont encouragées et s'illustrent dans tous les domaines : création d'un skate-parc, rénovation d'une place, aménagements d'espaces publics de proximité...
On a aussi mis en place le « fifty-fifty » : ce dispositif soutient les initiatives habitantes pour des projets d'intérêt général. On intervient sur l'aspect technique ou financier, mais la réalisation et la gestion sont assurées par les demandeurs. Par exemple si une association de quartier souhaite améliorer le fleurissement, on fournit les jardinières et les plantes, mais elle se charge de l'entretien.
Quel regard portez-vous sur Grenoble ?
C'est une grande ville qui a de fait une dimension très symbolique. C'est un peu une vitrine pour des actions importantes en faveur de la transition comme l'apaisement de l'espace public, l'effort en direction des mobilités douces...
Ce qui me frappe, c'est que l'on est deux villes avec des profils très différents mais on se rejoint vraiment autour de la participation citoyenne ! Cela passe par des formes différentes mais on est dans la même logique d'implication des habitants. Et dans les urnes, on constate qu'ils plébiscitent nos actions. Ceci nous rapproche car on démontre qu'il peut y avoir une vraie adhésion de la population aux transitions !
Enfin, nos deux villes sont attachées au changement d'échelle, avec par exemple l'organisation de la Biennale à Grenoble, pour s'appliquer à mieux diffuser la transition qui est un enjeu fondamental.
Vous œuvrez vous-même dans cette optique avec la Fabrique des Transitions...
Oui je suis co-fondateur de cette alliance nationale réunissant près de 400 collectivités ou autres acteurs engagés (entreprises, associations nationales, chercheurs...), pour définir des mécanismes de transition fondés sur l'expérience, et transposables à l'ensemble des territoires.
Il s'agit de se regrouper pour regarder le réel des villes françaises qui ont réussi, analyser leurs méthodes, dégager des invariants et faire émerger de nouvelles logiques.
On est tous signataires d'une charte où l'on s'engage à partager nos ressources pour constituer une communauté apprenante et, en mutualisant nos expériences, on accompagne les territoires voulant entrer en transition. L'objectif étant d'accélérer celle-ci par une approche de terrain concrète qui a fait ses preuves.