Interview : la Révolution des Grenobloises

Par Annabel Brot

publié le 27 mai 2024

Article

Société

Jean-Loup Kastler-Vassilievitch

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A l’occasion du colloque « Femmes, Matrimoine et Révolution » Jean-Loup Kastler-Vassilievitch revient sur la forte mobilisation des femmes durant la Journée des Tuiles pour apporter un éclairage inédit sur cet épisode fondateur de la Révolution…

Jean-Loup Kastler-Vassilievitch est enseignant, historien et doctorant à la Sorbonne. Ses travaux portent sur la Révolution en pays de montagne entre Grenoble et Genève. C’est précisément à Grenoble dont il est originaire qu’il a commencé à se passionner pour le sujet.

« Le centre-ville est un musée à ciel ouvert de cet événement ! J’ai aussi fréquenté le musée de Vizille et découvert le tableau d’Alexandre Debelle sur la Journée des Tuiles où l’on voit de nombreuses femmes… alors qu’elles sont totalement absentes de la mémoire collective. »

Insurrection et subversion

Interpellé par cette contradiction, il mène depuis cinq ans des recherches pour en savoir plus en s’appuyant sur le fonds dauphinois de la BEP (Bibliothèque d’Etude et du Patrimoine) mais aussi des archives inédites. « Pour moi, la participation des femmes et leur rôle dans l’organisation de la Journée des Tuiles est incontestable. De multiples témoignages concordent ! Ce qui pose la question de leur invisibilisation… »  

C’est à partir d’une analyse minutieuse des faits que l’historien propose des pistes de réponses. « L’insurrection n’a rien à voir avec les émeutes de la faim auxquelles les femmes sont généralement associées dans les événements révolutionnaires. »

Leur mobilisation témoigne d'autres motivations politiques puisque le déclencheur de la Journée des Tuiles, c’est la volonté du roi d’exiler le Parlement. « Parmi les femmes présentes, il y a de nombreuses maraichères en désaccord avec la réforme de la corvée royale : elles défendent les parlementaires car ils font figure de rempart à la modification de cet impôt. Il y a aussi des gantières qui les soutiennent car ils contribuent à l’essor du commerce… ».

Autre fait notable : elles agissent de leur propre initiative, sans tutelle masculine.

« On est face à un schéma totalement inédit qu’on a tenté d’expliquer avec les grilles habituelles de lecture, en attribuant le beau rôle à des hommes. Mais les femmes sont les vraies cheffes d’orchestre de la Journée des Tuiles. La Révolution commence à Grenoble par une subversion de l’ordre patriarcal qui proscrit en général l’activité politique des femmes ! »

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